Pouvons-nous imaginer un monde sans numérique ?
Cela paraît impossible pour nombre d’entre nous, tant le numérique a investi chaque parcelle de notre espace quotidien, chaque moment de nos vies. Au niveau macro-économique, il y a aujourd’hui bien peu de secteurs qui pourraient s’en passer. Au niveau micro-économique, la transition numérique des entreprises, et des organismes publics, semble incontournable.
Mais qu’est-ce qui se cache, concrètement, derrière le numérique ?
Là encore, il nous est difficile de répondre à cette simple question ! Car notre perception en fait un bien immatériel. En tant qu’utilisateur, les outils que sont nos smartphones, nos ordinateurs, nos écrans, le réseau, les centres de données disparaissent derrière nos usages. En tant qu’acteur économique ou public, le numérique est une ressource diffuse au sein de tous les maillons de la chaîne de valeur, et ne constitue pas un secteur en tant que tel. En tant que service, le numérique par son interopérabilité, se pose en système intégrant de nombreux tiers, dont il est souvent difficile de poser les frontières. D’un point de vue sociétal, la sémantique employée, …cloud, big data, agile,metaverse, 5G, réalité virtuelle…conforte ce rêve éveillé, d’une course illimitée, accélérée, vers un avenir immatériel, radieux, motivé par un progrès sans fin.
Et pourtant le constat est sans appel !
Mais comme tout phénomène humain, technologique, économique, le numérique s’inscrit dans un monde fini ! Ainsi, l’univers du numérique, représente en 2021, environ 36 milliards d’équipements en tout genre dans le monde : smartphones, ordinateurs, boxs, antennes relais…Ses impacts sont bien réels :
- À l’échelle du numérique européen, en 2021[0], l’utilisation des ressources, minéraux et métaux, et à 571 millions de tonnes de matériaux déplacés, soit le poids de 9,20 milliards d’êtres humains (62 kg en moyenne). Cela signifie que, chaque année, les matières déplacées liées aux services numériques de l’UE-28 équivalent à peu près au poids de tous les êtres humains vivants.
- Toujours à l’échelle européenne, l’impact du changement climatique lié au numérique est similaire à 370 000 allers-retours d’un avion équivalent à 500 passagers entre Paris et New York, soit environ 63 années de la liaison actuelle (16 avions par jour).
- La production de déchets liée au numérique européen équivaut au poids de 1,87 milliard d’êtres humains (62 kg en moyenne).
Sans parler des impacts sociaux et sanitaires :
- France 17% de la population est touchée par l’illectronisme selon l’INSEE,
- 20 % des français ne peuvent pas utiliser les outils et services numériques du fait de leur handicap selon le secrétaire d’État aux personnes handicapées (Cf. le courrier du 8 janvier 2020 adressé à la présidente du Conseil national du numérique.),
- Seulement 15% de femmes exercent des métiers techniques,
- Enfin de très nombreuses personnes, dont des enfants, travaillent dans des conditions inhumaines, soit dans des mines pour extraire les minéraux indispensables au fonctionnement du numérique, soit dans les décharges illégales de déchets d’équipements électriques et électroniques…
Libertés menacées, désinformation, addiction aux écrans, réduction du temps de sommeil, hyper connexion…au-delà des limites planétaires et sociétales, les impacts se font sentir même au sein de nos territoires intimes, corporels et psychiques !
Mobilisés depuis 2004
Ces enjeux nous animent depuis 2004, quand Frédéric Bordage a créé le collectif GreenIT.fr. Depuis toutes ces années, de nombreuses personnes y ont contribué. Une nouvelle étape est franchie en 2022, avec la création d’une association pour promouvoir les actions et réflexions couplant numérique et développement durable. Notre engagement quotidien inclut à la fois des sujets techniques et de société, et couvrent en particulier trois démarches :
La sobriété numérique
“Démarche qui consiste à modérer ses usages numériques et à concevoir des services numériques plus sobres” [1]. Le collectif a forgé cette démarche il y a 10 ans pour proposer une piste simple et efficace pour économiser le numérique. Cette expression est en effet née de la prise de conscience que “le numérique est une ressource critique, non renouvelable, qui s’épuise inéluctablement”. La raréfaction des matériaux, leur disparition, ou leurs coûts humains et financiers très élevés, ne permettront plus d’envisager le numérique comme l’outil universel qu’il est aujourd’hui.
Le Numérique Responsable
“Ensemble des technologies de l’information et de la communication dont l’empreinte économique, écologique, sociale et sociétale a été volontairement réduite et / ou qui aident l’humanité à atteindre les objectifs du développement durable.” [2] Depuis 2014, on utilise plus volontiers l’expression « numérique responsable » en remplacement de « TIC durables » pour rappeler que cette démarche ne se limite pas à la réduction des impacts environnementaux mais qu’elle s’intéresse aussi à la performance sociale et économique. Pour en donner une définition courte, “le numérique responsable est le numérique qui respecte le plus possible le Vivant”[3]. Par “Vivant” on entend les êtres humains, la faune, la flore et plus globalement la planète.
L’écoconception de service numérique
L’écoconception consiste à intégrer les contraintes environnementales dans la conception de produits et de services selon une approche globale et multicritères (norme IEC 62430). On n’écoconçoit pas un logiciel ou un site web (car ces derniers n’ont pas de matérialité en dehors des équipements sur lesquels ils s’exécutent), mais bien un acte métier. La démarche la plus efficace est de se concentrer sur le besoin essentiel des utilisateurs et surtout pas plus.
Les valeurs qui nous guident dans notre action :
Être constructif : toutes nos actions sont au service du bien commun.
Être transparent : nous communiquons sur notre fonctionnement, nos pratiques, nos intentions, nos objectifs et nos résultats.
Être indépendant : nous ne dépendons pas de grandes organisations, nos décisions ne sont pas influencées.
Être rigoureux : nous avons une démarche honnête et basée sur une expertise métier. Les informations partagées sont basées sur une méthode scientifique.
Être éducatif : nous nous assurons que tout le monde ait du contenu accessible (enfants, spécialistes du numérique, citoyens, politiques…).
Ensemble, passons à l’acte !
Vous aussi vous pouvez vous engager à diffuser les démarches de sobriété numérique, numérique responsable, de sobriété numérique et d’écoconception de service numérique dans votre contexte professionnel et personnel.
Vous pouvez soutenir les actions de l’association, promouvoir son plaidoyer, notamment auprès des instances publiques et du pouvoir politique. ! Contactez-nous à asso@greenit.fr
Engagez-vous dans un réseau de solidarité pour aider les professionnels, les organisations et les citoyens à s’évaluer et à essayer de s’améliorer de façon continue.
Sources : [0] . Digital technologies in Europe: an environmental life cycle approach (Le numérique en Europe : une approche des impacts environnementaux par l’analyse du cycle de vie), Lorraine de Montenay, Frédéric Bordage & al., GreenIT.fr, 2021, [1] Sobriété numérique : les clés pour agir, Bordage Frédéric, Buchet-Chastel, 2019, https://www.buchetchastel.fr/catalogue/sobriete-numerique/ [2] Du Green IT au numérique responsable : lexique des termes de référence, Club Green IT, 2018, https://www.greenit.fr/2018/05/31/green-it-numerique-responsable-lexique-termes-de-reference/ [3] Billet de Frédéric Bordage sur le compte Twitter de GreenIT.fr, 18 janvier 2021, https://twitter.com/greenit/status/1351085007666872320. Cette définition a été ajoutée à la deuxième édition du livre « Sobriété numérique : les clés pour agir ».
*Bordage, F., de Montenay, L., Benqassem, S., Delmas-Orgelet, J., Domon, F., Prunel, D., Vateau, C. et Lees Perasso, E. GreenIT.fr. 2021. Digital technologies in Europe: an environmental life cycle approach (Le numérique en Europe : une approche des impacts environnementaux par l’analyse du cycle de vie)