Quels sont les impacts du numérique ?
Le numérique est à la fois un outil et un frein au développement durable. En effet, le développement durable qui cherche à concilier besoins environnementaux, sociaux et économiques, est directement impacté par le numérique et ce de façon positive mais aussi négative.
Les impacts environnementaux
L’Analyse du Cycle de Vie est la méthode la plus sérieuse et la plus mature pour mesurer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service. Grâce à la méthodologie de l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) avec plusieurs critères environnementaux (empreinte carbone, utilisation d’eau bleue, utilisation de ressources fossiles…) et sur l’ensemble du cycle de vie des équipements et services numériques, il a été démontré que, pour la France et pour l’Europe, majoritairement (80%) les impacts se trouvent lors de la fabrication des terminaux utilisateurs (écrans, ordinateurs portables…). La fabrication de nos équipements nécessite une grande quantité de matières premières. En effet, un smartphone de 200g environ nécessitera en tout d’excaver et de transformer 50 métaux différents. Cette fabrication ne peut également se faire sans énergie. Les opérations dans les mines ou bien la transformation des matériaux utilisent des énergies primaires fossiles (pétroles, gaz, charbon) pour opérer. Ces activités sont très polluantes pour les écosystèmes et néfastes pour la santé. De même, plusieurs milliers de mètres cubes d’eau bleue (eau considérée comme propre à la consommation) sont nécessaires pour fabriquer nos équipements. Sources : ADEME et Green IT
La phase d’utilisation comporte aussi des impacts environnementaux, qui sont liés spécifiquement au mix électrique utilisé. Par exemple, le mix français est considéré comme faiblement carboné car le nucléaire représente une part majoritaire du mix. Cela joue notamment sur l’importance de l’indicateur environnemental “émissions de radiations ionisantes, impacts sur la santé humaine”, qui rend compte principalement des effets liés à l’extraction de l’uranium dans les mines. Cet indicateur sera donc de moindre importance sur un mix électrique où le nucléaire est moins important. Si l’on observe les impacts environnementaux du numérique au niveau mondial, le mix électrique étant encore très carboné, l’indicateur des émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) a une importance plus grande.
Les impacts sur la société
Si le numérique est un outil formidable pour permettre aussi bien lien social et gain de productivité dans beaucoup d’activités professionnelles ou personnelles, il n’est pas sans risques ni limites.
Illectronisme et facture numérique
Tout d’abord, d’un point de vue d’égalité des chances, le bilan est mitigé. L’accès aux ressources numériques est loin d’être une chance pour tous. En effet, les personnes âgées, publics précaires ou personnes vivant en zone rurale, sont les catégories souffrant le plus de la fracture numérique es maintenant dans un schéma d’exclusion sociale. De plus, l’illectronisme (situation où la personne a accès au numérique mais ne possède pas les compétences pour s’en servir) reste un sujet majeur et ce peu importe la génération. Selon l’INSEE, 17% de la population française serait dans le cas d’illectronisme.
Addiction
Pour un grand nombre d’entre nous, le numérique est au centre de notre vie. Cette tendance s’étant accentuée avec les phases de confinement, les risques psychologiques de dépendance et les difficultés de la déconnexion sont de plus en plus marqués chez les adultes, comme chez les enfants.
Accessibilité numérique
Selon The WebAIM Million, 96,8% des sites internet sont catégorisés “inaccessibles”. Cela veut dire qu’ils ne prennent peu ou pas compte des critères de lisibilité, d’accessibilité pour les personnes non-voyantes ou autres. Tout le monde devrait avoir accès au même niveau d’information.
Ethique et minerais de sang
Les minerais utilisés dans tous les équipements numériques proviennent de zones en conflit, instables ou ne respectant peu ou pas les droits des hommes, femmes et enfants. L’impact est donc direct sur les populations locales : conflits armés, marché noir, travail d’enfants, tensions sur l’approvisionnement en eau potable. Par exemple dans la phase d’extraction : on sait qu’une partie du Cobalt est extraite par des enfants en République Démocratique du Congo. Apple, Google, Dell, Microsoft ou encore Tesla sont accusées actuellement, dans le cadre d’un procès intenté par un cabinet de défense des droits humains, d’aider et d’encourager les sociétés minières qui forcent des enfants à travailler au fond des mines dans des conditions dangereuses –causant de nombreux décès ainsi que des blessures– afin d’approvisionner en cobalt leur chaîne de fabrication de smartphones, d’ordinateurs portables et de voitures électriques. Au Chili, l’extraction et raffinage du cuivre nécessite beaucoup d’eau dans un endroit très sec. Ceci nécessite des canaux, et donc des usines de désalinisation (alimentées en électricité par des centrales à charbon…).
Les impacts économiques
Depuis plusieurs décennies, le numérique joue un rôle important sur l’économie aussi bien mondiale que locale.
Emplois, croissance et dématérialisation
Si d’un côté; le numérique est souvent associé à un gain de productivité car il permet une croissance économique due à l’apparition de nouveaux usages et nouveaux horizons d’utilisation (réseaux sociaux, jeux vidéos, services en ligne, partage et circularité), de nouveaux modes de fonctionnement en entreprise (dématérialisation, automatisation et optimisation), de la création d’emplois notamment dans le secteur de l’informatique et de la communication, le monde du numérique n’est pas tout rose à tout point de vue. En effet, d’un autre côté, l’automatisation systématique des tâches a entraîné la suppression de certaines catégories d’emplois. Par exemple : dans le e-commerce – achats en ligne – la suppression d’emploi dans les magasins physiques n’a pas été compensée par la création d’emplois dans le secteur de la logistique, contrairement à ce qui est régulièrement mis en avant (rapport France Stratégie 2021 : Pour un e-commerce responsable).
Une économie parralèle
Le numérique et ses équipements est de nos jours au centre des problématiques de marché noir et de trafics. Les activités illégales qui concernent les technologies de l’information sont nombreuses : trafic des déchets électroniques et électriques (les DEEE), vente ou revente illégale de matériel informatique, piraterie de logiciels… Toutes ces activités ont un coût : rançons ou développement d’une économie parallèle.
Monopole et perte de maîtrise
Le quasi monopole de certains pays ou entreprises sur les ressources ou matériaux entraîne une dépendance des autres pays ou entreprises. Ainsi la crise des semi-conducteurs en Chine, à Taiwan ou en Corée du Sud a entraîné une crise mondiale dans la chaîne d’approvisionnement. De nombreux secteurs ont besoin des mêmes ressources que le numérique ou utilisent directement du numérique dans leurs activités, l’interdépendance sur les ressources renforce l’embargo.
Quelle est la méthodologie pour quantifier les impacts environnementaux du numérique ?
La méthodologie préconisée pour mesurer les impacts environnementaux du numérique est l’Analyse de Cycle de vie (ACV). Elle est utilisée pour mesurer les impacts environnementaux de produits, services ou organisations. L’ACV présente les caractéristiques suivantes :
- multicritères : l’ACV se fonde sur plusieurs critères pour englober la pluralité des impacts environnementaux. L’ACV pour le monde du numérique en dénombre 16 : potentiel de réchauffement climatique, utilisation des ressources abiotiques, utilisation d’eau bleue, acidification, toxicité cancérigène, toxicité non-cancérigène, radiations ionisantes, utilisation des terres, utilisation de ressources fossiles, déplétion de la couche d’ozone, eco-toxicité, formation d’ozone photochimique, création de matière particulaire, eutrophisation de l’eau bleue, eutrophisation des sols et eutrophisation marine.
- multi-étapes : l’ACV prend en compte chaque étape de vie d’un produit ou service : extraction des matières premières énergétiques et non énergétiques nécessaires à la fabrication du produit, distribution, utilisation, collecte et élimination vers les filières de fin de vie ainsi que toutes les phases de transport. Ce qui évite tout transfert de pollution
- norme : l’ACV est normalisée et reconnue internationalement (ISO 14040 et 14043) ce qui permet de fixer des bases standards et partagés par tous
- comparable : la méthodologie normée et standardisée en fait un outil qui produit des résultats comparables les uns avec les autres.
- quantitative : chaque indicateur est quantifié de manière chiffrée avec une unité
[Sources] Gauthier Roussilhe Ademe)
Quelle est la différence entre Bilan Carbone et ACV ?
Un bilan carbone est l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes d’une entreprise, d’un service ou d’un produit pendant une période de temps définie. Un bilan carbone est mono-critère car il ne tient compte que du potentiel de réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre et mesuré en équivalent CO2. Il s’étend sur 3 périmètres appelés des scopes. Le scope 1 regroupe la quantification des émissions dues aux opérations directes (combustion pour la production d’électricité, parc de véhicules de l’entreprise…), le scope 2 mesure les émissions indirectes en lien avec l’énergie (achetée) et le scope 3 prend en compte toutes les autres émissions indirectes dues à toutes les activités de l’entreprise (fournisseurs, systèmes d’informations…).
Une ACV prend en compte toutes les étapes du cycle de vie d’un produit ou d’un service et ce sur plusieurs critères d’impacts, de l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie. La méthode d’ACV est normée et standardisée à l’international.
Quelles sont les matières premières / ressources utilisées pour la fabrication de nos équipements numériques ?
Prenons l’exemple d’un smartphone, il est constitué de :
- métaux alcalins (comme le lithium présent dans nos batteries),
- métaux alcalino-terreux (comme les alliages à base de magnésium qui permettent de faire un blindage électromagnétique),
- métaux de transition (comme le nickel, le cobalt et le tantale pour permettre les vibrations ou encore les conductions électriques dans la batterie),
- métaux précieux (comme l’or et l’argent présent dans la microélectronique)
- métaux pauvres (comme l’indium qui permet à nos écrans d’être tactiles)
- lanthanides (comme le néodyme, le terbium ou l’europium qui sont capables d’emmagasiner de l’énergie et d’émettre de la lumière)
- plastiques (antimoine ou bisphenol A qui sont présents dans les coques)
- verres et céramiques notamment pour les écrans
Ces matériaux (souvent sous forme de minerais) doivent être extraits des mines par des engins motorisés lourds, utilisant des énergies fossiles pour fonctionner. Ces matériaux sont ensuite lavés et transformés chimiquement entraînant une grande quantité d’eau utilisée et rejetée polluée.
Sources :
Quelles sont les lois Françaises et Européennes en vigueur ?
Les lois Européennes
Cadres et accords : les « softlaws » Les accords suivants ne sont pas juridiquement contraignants mais fortement recommandés.
- La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination (1992) : un accord mondial qui a été créé pour limiter le transfert de déchets dangereux entre les pays et, plus spécifiquement, pour arrêter le transfert de déchets dangereux des pays industrialisés vers les pays en développement. Afin d’assurer leur gestion écologiquement rationnelle, aussi près que possible du site de production, il est nécessaire de mettre en place un système de gestion des déchets dangereux le plus près possible du lieu de production, la convention vise également à réduire la quantité de déchets générés.
- La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (1998) est une déclaration de soutien aux valeurs humaines fondamentales faite par les gouvernements, les entreprises et les groupes de travailleurs. Ces valeurs sont essentielles pour le bien-être social et économique.
- La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (2004) : un accord environnemental mondial qui vise à réduire ou à supprimer les polluants organiques persistants.
Directives et règlements : les « hardlaws » Les règlements suivants ont été votés à l’unanimité sont déployés dans tous les pays de l’UE qui les ont ratifiés.
- Directive relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (2003) : restreint l’utilisation de 10 matériaux dangereux dans la fabrication de divers types d’équipements électriques et électroniques.
- Directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs (2006 et 2013).
- Directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie (2009).
- Directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (directive DEEE) (2012) : fixe des objectifs de collecte, de recyclage et de valorisation pour tous les types d’appareils électriques.
Les lois Françaises
La France est le leader européen des démarches législatives en matière de sobriété numérique.
Cadres et accords : les « softlaws ».
Le pouvoir des softlaws repose principalement sur la feuille de route gouvernementale » Numérique et Environnement » publiée par le ministère de la Transition écologique et énergétique en 2021. Ce document est composé de 15 fiches actions, chacune décrivant le contexte et les initiatives. Source
Directives et réglementations : les » hardlaws » Il existe 3 lois majeures concernant le Green IT :
- La loi AGEC (anti-déchets et économie circulaire) (2020) : fournit un cadre pour les déclarations environnementales des fabricants et rend obligatoire l’information des consommateurs sur certaines caractéristiques environnementales des articles achetés.Cette loi rend obligatoire l’affichage par les opérateurs de télécommunications d’informations environnementales (émissions de GES) sur leurs factures. Elle contraint les fournisseurs qui souhaitent mettre des » verrous logiciels » empêchant le reconditionnement des équipements. Elle aborde les problèmes d’obsolescence des logiciels. Elle oblige également l’État à acheter au moins 20 % de ces biens numériques reconditionnés. Source
- La loi Climat et Résilience (2021) : luttant contre le changement climatique et renforçant la résilience à ses effets, cette loi place les aspects écologiques dans tous les domaines de notre vie : production, consommation, logement, alimentation… les passages qui nous intéressent sont ceux qui concernent la production maîtrisée des biens informatiques et leur utilisation modérée dans le temps. Source
- La loi REEN (réduire l’empreinte environnementale du numérique)(2021) : propose une série de mesures pour promouvoir un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux en France. Cette loi évoque 5 enjeux majeurs : la sensibilisation à l’impact du numérique (grand public et également formation obligatoire dans établissements d’études supérieures) ; la limitation du renouvellement des appareils numériques ; la promotion des usages numériques respectueux de l’environnement ; la promotion les centres de données et les réseaux moins consommateurs d’énergie; la promotion d’une stratégie numérique responsable dans les territoires et les collectivités à 2025.
Quels sont les acteurs du numérique responsable ?
Le Numérique Responsable tend à se démocratiser et c’est une très bonne chose ! Ainsi son écosystème est foisonnant et de multiples nouveaux acteurs ne cessent d’apparaître ou de s’y intéresser. C’est également un marché avec ses propres enjeux économiques. Il est donc parfois difficile de s’y retrouver parmi tous les acteurs ! Et il serait fastidieux ici de tous les lister ! Voici néanmoins quelques questions à se poser pour mieux comprendre qui fait quoi !
IT for Green ou Green IT ?
L’IT for Green
L’IT for Green regroupe les acteurs développant des innovations technologiques dans le but de réduire l’impact environnemental de processus physiques. On y retrouve des start-ups, mais aussi des grosses entreprises ou des organisations publiques. Ce secteur se développe très fortement, surfant notamment sur l’urgence climatique. Il va s’agir par exemple de réduire l’impact carbone des déplacements grâce à une application permettant de mieux gérer des trajets. Ou encore des entreprises qui proposent de réaliser un Bilan Carbone en quelques clics grâce à leurs outils. Attention néanmoins ! Même si cela part de bonnes intentions, l’impact environnemental de la technologie est rarement pris en compte et très peu d’études, du type Analyse de Cycle de Vie pour comparer l’impact avant/après, ne sont réalisées. On rencontre, malheureusement, dans ce secteur beaucoup de greenwashing.
Le Green IT
Le green IT regroupe des acteurs cherchant à diminuer l’empreinte environnementale et sociétale du numérique, sous toutes ses formes et quel que soit le contexte. On y trouve des experts indépendants, mais aussi des équipes formées et compétentes (car ayant suivi une formation certifiante) au sein d’agences, d’ESN (entreprises de services numériques), ou de DSI. Le Green IT et le numérique responsable sont des démarches très similaires, cherchant à prendre en compte le Vivant sous toutes ses formes et faisant la promotion de la sobriété numérique, incarnée par la Low tech.
Association, indépendant, collectif, Thin tank, entreprises… comment s’y retrouver ?
Changer les choses, cela peut être très compliqué. Beaucoup d’impacts financiers sont en jeu et certains acteurs peuvent ne pas avoir intérêt, à court terme, à ce que le secteur du numérique s’engage dans un mouvement de sobriété. C’est pourquoi il est très important de comprendre qui est derrière les acteurs qui se réclament du Green IT ou du Numérique Responsable. Et notamment qui finance leurs actions ? S’agit-il d’expert indépendant ou de personnes morales comme des entreprises ? Par exemple, derrière un Thin Tank, ce sont en général des entreprises, qui ont donc un objectif de rentabilité, finançant un groupe de réflexion sur un sujet précis (par exemple, la décarbonation de l’économie). Cela leur donne une plus grande capacité d’action grâce à leurs moyens financiers, mais sans doute peut, parfois, poser question quant à l’impartialité de leurs postures. Quels sont leur statut juridique : entreprise à but lucratif, association ? Parfois il peut s’agir d’un simple groupement de personnes qui ont décidé d’agir ensemble sans statut dans le cadre d’un collectif. Et qui peut se transformer en association ! C’est le cas du collectif Green IT, qui existe depuis 18 ans et qui a forgé la démarche Green IT. Les membres ont décidé de créer récemment une association pour donner plus de poids à leur action. Quelles sont leurs valeurs ? Ont-il rédigé un manifeste à leur création engageant leur parties prenantes sur une mission bien définie, comme par exemple l’association Halte à L’obsolescence Programmée ? S’agit-il d’un acteur public, comme par exemple la direction interministérielle du numérique (DINUM) qui produit beaucoup de contenus sur le Numérique Responsables et accompagne les instances publiques sur cette question ?
Expert du numérique ou de l’environnement ?
Globalement, deux types d’acteurs vont s’intéresser au Numérique Responsable et proposer des offres ou des contenus sur la question.
Les acteurs spécialistes du numérique
Ils vont chercher à réduire leur impact environnemental et sociétal. Leur expertise est souvent tout d’abord numérique, avant d’être environnementale ou sociétale. Ces acteurs peuvent recouper une large gamme de métiers : développeurs, designers, chefs de projet, business developers, product owner, product managers et…experts Green IT ou consultants Numérique Responsable. Leur formation initiale ou leur expérience professionnelle s’est d’abord développée dans le numérique. Ils se sont ensuite formés au Green IT, à l’écoconception ou à l’Analyse de Cycle de vie. Certains présentent aujourd’hui une expérience dans le domaine de plusieurs dizaines d’années et forgent l’état de l’art du marché.
Les acteurs spécialistes de l’écologie ou des impacts sociétaux
Ils vont avoir une approche plus globale des impacts environnementaux ou sociétaux. Ils vont alors chercher à intégrer une dimension numérique à leur activité. Il va pouvoir s’agir par exemple de l’Ademe, l’agence gouvernementale de la transition écologique. Ou encore d’acteurs économiques ou associatifs qui s’intéressent à un impact particulier comme le changement climatique ou les métaux, ou la réduction des inégalités sociales ou la place des femmes dans le numérique. On y retrouve également des agences de conseil spécialisées dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Là aussi, il peut aussi s’agir de collaborateurs d’entreprises qui ont en charge ces missions dans leur entité.
Sensibiliser, évaluer, agir … qui fait quoi ?
Le Numérique Responsable fédère, nous l’avons vu, des acteurs très différents. Chacun va avoir un rôle à jouer. On distingue ainsi :
Les acteurs qui vont sensibiliser
c’est le cas par exemple de l’association de la Fresque du Numérique. La Fresque du Numérique est un serious game fondé sur l’intelligence collective permettant à un groupe d’environ une quinzaine de personnes de découvrir et comprendre les enjeux environnementaux du numérique.
Les acteurs qui vont évaluer
c’est le cas du Collectif Conception Numérique Responsable qui développe et maintient Ecoindex, une outil évaluant l’impact environnemental d’une page web. Cet outil est fondé sur la méthode d’Analyse du Cycle de Vie (cf question ci-dessus). D’autres, comme le collectif Green IT ou le groupe Ecoinfo du CNRS vont produire des études évaluant l’impact du numérique, ces études étant elle-même fondées sur la méthode d’Analyse du Cycle de Vie. Des experts en ACV vont enfin accompagner les entreprises ou les organisations pour modéliser l’impact de systèmes complexes. Il convient également de bien distinguer dans les études, celles qui relèvent de la simple production d’articles ou de contenus, des études scientifiques à revue critique.
Les acteurs qui vont agir
le Collectif Conception Numérique Responsable élabore, de façon ouverte et contributive, le référentiel des 115 Bonnes Pratiques d’Écoconception Web. Attention à bien distinguer les acteurs qui vont proposer des référentiels de bonnes pratiques (c’est-à-dire que chaque bonne pratique est accompagnée d’une règle de test objective qui permet d’en mesurer la conformité) des guides qui vont orienter vers les optimisations à mettre en œuvre. L’association Designers Éthiques propose ainsi un Guide d’éco-conception de service numérique, plus orienté sur le design et la conception fonctionnelle. Parmi ceux qui agissent, on trouve également bon nombre d’experts en écoconception de services numériques ou expert green IT, ceux-ci pouvant agir en tant que consultant ou bien être internalisés dans les entreprises et/ou organisations.
Faut-il ou non supprimer ses emails ?
Supprimer un mail ne supprimera pas le fait qu’il a été envoyé et qu’il est dupliqué sur plusieurs serveurs en attente d’être relu. Voici le récit d’un voyage d’un mail.
Si B décide de supprimer son mail, dans les faits, le dit mail sera supprimé (s’il n’est pas dupliqué). Certes l’espace de stockage du serveur de messagerie de B sera allégé de quelques ko (kilo octet) mais l’ensemble de l’architecture physique qu’il a fallu déployer pour envoyer ce mail reste toujours. Il faut ensuite multiplier ce voyage par le nombre de destinataires et rajouter le poids des pièces jointes. Pour conclure, le mail le plus éco-responsable et celui que nous n’envoyons pas. A défaut, il faut le rendre le plus léger possible et limiter le nombre de destinataires.
Quels sont les vrais impacts du streaming ?
Les plateformes de streaming en ligne sont souvent montrées du doigt comme responsables de la pollution due à Internet. Et pour cause, des contenus en très haute qualité disponibles en quelques secondes sont diffusables en permanence sur petits et grands écrans. Responsable à hauteur de plus de 60% du trafic internet, le streaming continue de progresser avec la 4K, 8K et le support de la 5G. Pour autant, si les plateformes doivent faire des efforts considérables pour éco-concevoir leurs services, les consommateurs finaux des contenus peuvent agir et revoir leurs habitudes de consommation : préférer le téléchargement lors des connexions wifi ou filaires, réduire la qualité, adapter les usages aux besoins, etc.
IoT, metaverse, IA, blockchain ou….Low Tech ?
Numérique, innovation technologique et “progrès” sont souvent perçus comme étant des synonymes ! Ainsi, l’IoT, l’IA, la blockchain ou encore plus récemment, le Metaverse peuvent être présentés comme indispensables à la transition énergétique et sociétale. La réalité est que les impacts afférents à ces technologies ne sont que très rarement pris en compte dans l’analyse, les données et les études sérieuses, types Analyse de Cycle de Vie complète et comparative, font cruellement défaut.
Par ailleurs, on constate, quasi systématiquement, un “effet rebond” associé à toute innovation technologique. L’effet rebond peut être défini comme « l’augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à l’organisation… ». Identifié pour la première fois par l’économiste Stanley Jevons en 1865 pour une ressource énergétique, à savoir le charbon, on le retrouve à de nombreuses reprises dans le cas du numérique. Par exemple, les batteries de nos téléphones portables se sont largement améliorées depuis près de 15 ans quand est apparu le premier smartphone. Elles sont plus efficaces d’un point de vue énergétique, mais nous restons tous, globalement dans le monde, à environ une charge de batterie par jour. Logiquement nous devrions avoir besoin de ne charger qu’au bout de quelques jours d’utilisation). Mais l’usage que nous avons de notre smartphone s’est aussi largement intensifié, et nous y avons toujours plus d’applications. Autre exemple, celui des “smart buildings” au sein desquels les capteurs et les compteurs intelligents permettent d’optimiser la consommation d’énergie, notamment liée au chauffage, induisant ainsi des économies financières. Les habitants ont alors tendance à augmenter la température dans leurs foyers, induisant une consommation accrue d’énergie ! Ces deux exemples montrent qu’un gain énergétique grâce à un progrès technologique est compensé, voire dépassé, par un changement d’usage de cette même technologie. Dans ce cas on parle de “backfire”. L’effet rebond peut aussi être indirect. C’est le cas par exemple de la 5G, dont le réseau est certes, énergétiquement, plus efficace que la 4G, mais qui va induire un renouvellement du parc des smartphones pour être compatible 5G. L’empreinte écologique afférente à la fabrication de ces terminaux risque d’annuler largement les gains ainsi obtenus.
On rencontre ainsi un risque important d’effets rebonds dans les diverses innovations technologiques :
L’Internet of Thing ou IoT
L’Internet of Things ou IoT est défini par l’UIT comme « une infrastructure mondiale pour la société de l’information, permettant des services avancés en interconnectant des choses (physiques et virtuelles) basées sur des technologies d’information et de communication interopérables existantes et en évolution » source. Il est aujourd’hui très difficile d’évaluer le nombre d’équipements que cela concerne, que cela soit dans le marché de consommation ou dans celui de l’informatique industrielle. Du fait de leur très grande diversité, il est aussi très compliqué d’en évaluer l’impact environnemental. Il est néanmoins certain que l’IoT connaîtra un essor spectaculaire dans les années à venir.
l’IoT permet des gains et des optimisations sur de nombreux processus. Par ailleurs, l’IoT est aussi utilisée en recherche fondamentale, notamment pour capter des données, comme dans la recherche spatiale ou océanographique, et nous aide à mieux comprendre par exemple les phénomènes du changement climatique. On peut donc considérer que le développement des objets connectés est plutôt positif. “…mais les avantages qu’il promet ne seront pas exempts de lourdes conséquences pour l’environnement, qui sont encore négligées.” (source : Au-delà des chiffres : Comprendre les impacts environnementaux du numérique et agir). Très peu de constructeurs d’objets connectés ont entamé une démarche d’évaluation de leur impact environnemental et d’écoconception. Les rares ACV existantes sur le sujet tendent à démontrer que la balance bénéfices/risques n’est pas si évidente et souligne la nécessité de plus d’études. Par ailleurs, l’IoT contribue à une dissémination plus grande de matériaux difficilement recyclables. Cela peut contribuer ainsi à rendre un objet moins recyclable s’ils comportent des capteurs ou un écran. Enfin, l’IoT induit des volumétries de données captées et traitées croissantes, nécessitant elles-mêmes des infrastructures physiques pour les traiter.
L’Intelligence Artificielle ou IA
L’intelligence artificielle ou IA est un concept générique désignant « toute machine ou algorithme capable d’observer son environnement, d’apprendre et, sur la base des connaissances et de l’expérience acquises, d’entreprendre des actions intelligentes ou de prendre des décisions. » (source : Commission européenne, Intelligence artificielle – une perspective européenne, Centre commun de recherche, 2018).
Big Data, Deep Learning, traitement de langage naturel (NLP), l’intelligence artificielle, objet de tous les fantasmes et de toutes les projections, fait régulièrement la une des médias. Remontant dans ces premiers développements aux années 1970, les recherches en la matière se sont largement développées à partir des années 2000. Et de nouvelles “limites” sont régulièrement franchies, générant un “buzz” à chaque innovation, comme en témoigne l’exemple récent de ChatGPT. Utilisée dans le cadre de la médecine ou, là encore, dans la recherche scientifique, beaucoup de promesses de progrès pour l’humanité accompagnent l’IA. Néanmoins en dehors de ces quelques exemples médiatiques, l’IA est aujourd’hui principalement et massivement utilisée dans le cas des algorithmes marketing de ciblages et reciblage, à des visées commerciales, dans le cadre de la très forte croissance de la publicité en ligne. C’est, à ce jour, un des seuls cas d’usages, où son efficacité, et donc sa rentabilité, ont été démontrées, et où l’IA a pu dépasser le simple cadre de l’expérimentation pour un passage à l’échelle massif.
Par ailleurs, tout comme pour l’IoT, il n’existe, à ce jour casi aucune étude permettant d’évaluer l’impact environnemental de sa très forte croissance. L’IA induit une utilisation croissante de données, elle-même nécessitant un nombre toujours plus important d’équipements dont l’impact environnemental, notamment à la fabrication n’est pas pris en compte. Les cas d’usages de l’IA pour réduire les impacts environnementaux de processus physiques sont encore rares et aucune évaluation des bénéfices vs les coûts n’a été effectuée.
Par ailleurs, non exempt de biais, l’IA soulève de nombreuses questions fondamentales d’ordre éthique et social. Ainsi une enquête du Time révèle que pour rendre ChatGPT moins toxique, son créateur OpenAI a eu recours à un sous-traitant exploitant des travailleurs kényans rémunérés moins de deux dollars l’heure.
Low tech vs IA, l’exemple de la détection du cancer du sein !
Blockchain, Metaverse,…
Le site economie.gouv.fr définit la blockhain comme “une technologie de stockage et de transmission d’informations. Cette technologie offre de hauts standards de transparence et de sécurité car elle fonctionne sans organe central de contrôle. Plus concrètement, la chaîne de blocs permet à ses utilisateurs – connectés en réseau – de partager des données sans intermédiaire.”
Les applications de la blockchain sont nombreuses comme dans la finance, l’assurance, l’énergie ou encore plus récemment le marché de l’art avec les fameux NFT (Non Fongible Token). Mais son développement le plus connu, et le plus critiqué, reste le Bitcoin, dont on ne compte plus les conséquences négatives tant sociales, éthiques que environnementales. Les tenants de la blockchain en défendent néanmoins les bénéfices et aspects positifs. Ainsi les NFT, pour incompréhensible que cela puisse paraître pour des personnes peu familières du marché de l’art contemporain, permettraient à des artistes numériques de trouver une voie de financement de leur oeuvres et de leur pratique plastique cf le récent podcast de Radio France sur ce sujet Par ailleurs, la blockchain permet de sécuriser la traçabilité de certaines informations et peut aider à garantir une plus grande transparence dans certains processus, comme par exemple le traitement des déchets.
Mais tout comme l’IA ou l’IoT, les impacts directs ou indirects en matière d’empreinte environnementale, notamment liés aux infrastructures nécessaires pour faire fonctionner ces systèmes, ne sont que très rarement pris en compte dans l’équation.
Dernier avatar de cette course sans fin à l’innovation, le metaverse, dont Meta nous promet monts et merveilles !
Et si nous nous tournions vers la Low Tech comme source d’une innovation intelligente, sobre et réellement utile ?
Low Tech
Le Low tech lab emploie ce qualificatif, littéralement basses technologies, pour “des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : Utile. Accessible. Durable.” source Low-tech Lab
L’idée n’est pas de rejeter complètement la technologie, mais bien d’en assurer une critique éclairée et constructive. Plus une démarche à entreprendre qu’une réalité largement diffusée, au vue du haut degré de technicité du moindre objet numérique ou usage numérique de notre quotidien, l’enjeu est bien de créer un mouvement global questionnant nos attentes et nos besoins en matière de numérique. Un exemple fameux de low tech est qu’il a fallu à la Nasa l’équivalent du poids d’un email, soit 150 Ko, pour envoyer un homme sur la Lune ! La preuve que la sobriété peut être synonyme de prouesse technologique !
Sources :
Quelle est la part des data centers dans l’empreinte environnementale ?
Un data center (ou centre de données) est une infrastructure regroupant l’ensemble des objets informatiques (serveurs, réseaux, disques durs…) qui permettent de stocker des informations, de les distribuer ou encore de les transférer. En somme, ces installations sont au centre du trafic internet. Comme schématisé ci-dessous, un data center prend la forme d’un grand hangar regroupant des baies de stockage séparées par de grands couloirs. A l’intérieur de ces baies sont empilés des serveurs (ce sont des ordinateurs extrêmement puissants). Ces ensembles sont alimentés en électricité et émettent de la chaleur lors de leur fonctionnement (des fours). Pour garantir un fonctionnement optimal, il faut refroidir ces fours, ils sont donc enfermés dans les baies réfrigérées.
Pour refroidir ces fours, plusieurs techniques sont utilisées : le refroidissement par l’eau ou par l’air extérieur (dans les pays froids).
Les problèmes environnementaux autour des data centers sont de plusieurs types. Premièrement, bien que les progrès techniques ont permis de réduire considérablement leur besoin en énergie, les data centers restent très gourmands en électricité et sont donc énergivores. Lorsque l’électricité disponible ne provient pas d’une source décarbonée, cela alourdit le bilan carbone de ces structures. De plus, pour ceux refroidis à l’eau, les tours de refroidissement nécessitent des milliers de litres d’eau. Plus important encore, la demande croissante en données (phénomène des big data) exige la fabrication de plus en plus de serveurs et de data centers accentuant alors la consommation de métaux rares et polluants. On estime que les data centers sont responsables de 15% de l’empreinte environnementale du numérique (contre ⅔ pour les équipements utilisateurs).
Sources :
- wikipedia
- Livres de F. Bordage Sobriété numérique et les clés pour agir
- Futura sciences